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Saint-Yves, La plus italienne des chapelles de Vannes ?

Quiconque pénètre aujourd’hui pour la première fois dans la chapelle Saint-Yves est ébloui par la beauté sobre de cet édifice. Personne ne pourrait imaginer qu’elle fut fermée au public pendant plus de trente années tant la restauration qui s’achève, lui redonne un éclat époustouflant.
Plus qu’une restauration, il s’agit d’une véritable résurrection ! Dans un article de 2012 publié dans le Bulletin des Amis de Vannes, Patrick André ancien professeur du collège Jules Simon écrivait qu’on ne pouvait être « que frappé par l’état d’abandon de cet édifice. Ce n’est plus qu’un grand hall dont la voûte a dû être étayée, aux murs nus et blanchâtres traversés de fissures […] Elle est comme une nef échouée et oubliée au cœur de la ville. Rien ne vient en réchauffer la froideur ». Ce sauvetage patrimonial a été porté par la volonté farouche du maire de Vannes et président de l’agglomération, David Robo. Sans sa pugnacité rien n’eut été possible. Et de la volonté il en fallait pour se lancer dans de tels travaux. Mais cette chapelle aux dimensions exceptionnelles, en cœur de ville, méritait un tel effort tant son histoire est liée à Vannes

Saint Yves

Le contexte dans lequel s’inscrit la construction de la chapelle Saint-Yves est marqué par un élan de ferveur religieuse issu de la réforme catholique souhaité par les Pères du concile de Trente qui s’achève en 1563. Cette ferveur se manifeste à Vannes par l’établissement de nombreuses congrégations religieuses avec la construction de couvents mais aussi par le souhait de développer une meilleure formation dispensée aux jeunes élites catholiques. Les autorités municipales de concert avec l’évêque décident la création d’un collège en 1577 qui est placé deux années plus tard sous le vocable de Saint-Yves. Pourquoi Saint-Yves ? Certainement en raison des études menées par la majorité des élèves qui optaient pour des métiers en lien avec la justice. Des prêtres issus du clergé diocésain sont chargés de l’enseignement. Devant certaines critiques sur la qualité de l’enseignement dispensé, le choix se fit en 1629 de demander aux Jésuites de prendre en main la direction du collège. Jugés excellents pédagogues, la Compagnie de Jésus durent choisir entre plusieurs installations mais Mgr Sébastien de Rosmadec n’a guère de difficulté pour les convaincre d’accepter d’autant qu’il promet une aide financière importante en vue de leur arrivée. Sous l’impulsion de ces derniers et grâce à un réel dynamisme, le collège connaît un développement rapide avec des extensions et transformations à l’exception notoire de la chapelle qui demeurait celle d’origine et fut même restaurée en 1616. On doit évoquer la figure du père Adrien Daran de la Compagnie de Jésus qui eut le désir de doter le collège d’une vaste chapelle. C’est lui qui amena une noble et très pieuse femme à l’aider dans sa mission. Il faut effectivement attendre la générosité de Catherine de Francheville pour qu’en 1661 puissent commencer les travaux de l’actuelle chapelle. Le frère Charles Turmel, architecte de la Compagnie en élabora les plans mais Le père Daran fut d’une aide indispensable dans le suivi des travaux. La première pierre est posée par Guillaume Bigarré, sieur de Cano le 27 septembre 1661. Il faudra presque 24 années pour que l’ensemble des travaux et des décorations soient achevés. Si le voutement est entrepris dès la première année par l’architecte nantais Mathurin Bussonière, la façade quant à elle ne fut terminée qu’en 1678 par le vannetais Jean Caillot.

La plus italienne des chapelles de Vannes ?

Edifiée sur un soubassement de granit, la chapelle en pierres blanches, est inspirée des modèles baroques italiens et typique du style jésuite du XVIIe siècle. Elle forme un vaisseau austère à la décoration parcimonieuse. Le regard se porte instinctivement vers le maitre-autel surmonté d’un retable d’une esquisse finesse que nous devons à la générosité de Claude de Lannion gouverneur de Vannes. Ce dernier n’offrit pas moins de 3000 livres pour sa réalisation en 1684. C’est Jean Boffrand, artiste nantais, qui fut chargé des travaux. Au milieu du retable a été réinstallé le tableau intitulé « la prédication de Saint François-Xavier » d’Alexandre Ubelesqui. Originaire de Pologne, Ubelesqui s’est formé à Paris et à Rome. Ce tableau peint en 1702 est l’une de ses dernières compositions. Quant à la façade de l’édifice en pierre taillée se compose de pilastres d’ordres doriques et ioniques reposant sur des stylobates. Les deux niveaux sont coiffés d’un fronton dans lequel est gravé le monogramme I.H.S. qui est une abréviation et une translittération imparfaite du nom de « Jésus » en grec. On peut y voir aussi la formule Iésus Hominum Salvator (Jésus sauveur des Hommes), la croix sur le H et le Sacré-Cœur, le tout dans un cercle représentant le blason des Jésuites. La charpente remarquable et singulière est constituée d’un seul tenant. Les restaurateurs ont découvert au cœur de celle-ci une structure carrée, base d’un clocheton d’origine.

La crypte

Située à l’aplomb du chœur, aux dimensions modestes (10 m x 11), nous y accédions par un escalier qui se situait au pied des marches qui conduisent au chœur. Cette crypte a servi de sépulture à de nombreux jésuites et autres notables du XVIIe et XVIIIe siècle. Aujourd'hui, l'entrée se fait par la cour du collège. Cette crypte est exceptionnelle en raison des peintures de ses parois et voûtes. Bien que leur état de conservation fût fortement dégradé, les restauratrices ont permis de les sauver. Un travail de précision qui offre une nouvelle vie à ces décors datant de la fin du XVIIe siècle. Alors que l’intérieur de la chapelle est sobre, la crypte contraste avec ses peintures vives et lumineuses !

Lorsque la Compagnie de Jésus quitta Vannes en 1762, la chapelle a connu diverses affectations. Le collège abrite entre 1787 et 1791 une des deux écoles royales de marine qui étaient chargées de former les futurs cadres de la flotte. La période révolutionnaire transforma la chapelle, la sacristie servant en 1793 de magasin de poudre et de munitions alors que les soldats du général Hoche en 1795 occuperont la crypte et violeront les sépultures à la recherche de plomb nécessaire à la fabrication de balles. Les ossements des jésuites inhumés seront dispersés. Finalement au XIXe siècle Saint-Yves redevient la chapelle du collège sous la responsabilité de l’aumônier de l’établissement. Réquisitionnée lors du conflit de 1870-1871 et des deux guerres mondiales, elle retrouve à chaque fois son statut de chapelle du collège. La crypte devant même servir de cachot pour les élèves punis…avant de devenir un simple débarras ! Et toute cette longue histoire jusqu’à nos jours pour » la plus grande gloire de Dieu ». Ad Majorem Gloria Dei, selon la devise des Jésuites.

François Ars est Docteur en histoire contemporaine, enseignant à l'U.B.S et Vice-président du carrefour d'histoire religieuse.

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