Le Manoir de Boyac en Ploërmel ou l’une des plus anciennes seigneuries du pays,

Par Christian Bolzer

 

Située en bordure de la route de Mauron et à environ trois kilomètres au nord de Ploërmel, sa plus ancienne mention remonterait à 858 sous le nom de « Botalaoc, villa et proedium in plebe Armaël » dans une donation faite par Catweten, fils de Drelawen, aux moines de Redon. Le comte Matuedoi la donne ensuite en usufruit à Bily, évêque de Vannes sous le nom de « Buiac Randremes », c’est à dire village, et en 913 Bily la cède à nouveau aux moines de Redon. On retrouve les appellations « Boyat » en 914, « Bouyac » en 1440, « Bouiac » en 1460, puis « Boyac » depuis 1513.

 

Thébaud, puis Cado

Ils sont seigneurs de Boyac depuis au moins 1427, par Jean Thébaud qui est anobli en 1441. Son fils Laurent lui succède en 1464, puis Laurent fils du précédent qui épouse en 1479, Jeanne-Perrine du Parc. Leur fils Jean épouse Armelle de la Fontaine, fille de Pierre, laquelle est veuve en 1513. Leur héritière, Jeanne de la Fontaine, dame de Boyac épouse vers 1560 Jean Cado, seigneur de la Chapelle et de Kerboclion en Taupont. Après son veuvage, sans postérité, il épousa Louyse Le Moyne, dont il eut une fille, Françoise.

 

Le Goaësbe

La dame de Boyac, Françoise, épouse vers 1649 Pierre Le Goaësbe, seigneur de la Grée Bernard qui en date du 6 décembre 1676 fait sa déclaration lors de la Réformation du Domaine Royal : « Maison, manoir et dépendances nobles de Boyac, consistant en bâtiments entourant une cour fermée de soixante pieds carrés,  avec portail au fond, un corps de logis flanqué de deux pavillons contenant une salle basse avec une chambre au bout, une arrière chambre, une cuisine et un office ; au premier étage, une salle et une chambre haute ; greniers au-dessus ; d’un autre côté une boulangerie avec chambre au-dessus, et étables joignant ; et d’autre côté, une grange et une écurie. Aux angles de la cour et extrémités de ces deux côtés, deux pavillons avec colombier. Jardins et bois de futaie de 12 journaux, bois taillis, garennes, terres et prés, d’une contenance totale de 20 journaux ». Cette description est toujours valable aujourd’hui. Sans oublier, car une seigneurie ne comporte pas que des terres et bâtiments « droits de prééminence dans l’église des Carmes de Ploërmel avec chapelle, enfeu et tombe. Le baillage de Boyac, avec les tenues des Portes, de Planté, des Deiaou, et Chefdor, rapportant sept livres de rentes. Les fiefs de Boyac, de la Noë-Jocet et de la Villeorio, en Ploërmel et Loyat, rapportant cinq livres de rentes, et dixmes à la douzième gerbe ».

Leur fils aîné, François étant décédé sans postérité, c’est le second, Sébastien-Guy, né en 1654 qui devient seigneur de Boyac et de la Vallée. Il est procureur royal à Ploermël en 1699 et épouse successivement Anne Naschebout, puis en mars 1699 Marie Jeanne Labbé. Il meurt à Ploërmel en juillet 1729.

Né du premier mariage en 1681, Pierre François Le Goaësbe est seigneur de Boyac et de la Grée-Bernard. Il est procureur-syndic à Ploërmel et épouse Jeanne Edy. Son fils Jean-Louis est sénéchal et maire de Malestroit et épouse à Rennes, le 13 décembre 1740 Julienne le Roy de la Minière. Il décède à Malestroit, sans postérité le 11 août 1756 laissant la seigneurie à son neveu, Sébastien Guy le Goaësbe, seigneur de Bellée, maire de Ploërmel en 1720, avocat général au Parlement de Bretagne, époux de Mathurine Jeanne Préaudeau. Il meurt à Beslé en Saint-Congard le 13 novembre 1757 laissant notamment deux enfants : Marie, héritière de Boyac qui entre aux Ursulines à Ploërmel en 1776, faisant en cette occasion donation du bien à son frère Guy.

Son fils, Sébastien Jean, né à Saint-Congard en 1752, garde du corps du roi et capitaine des gardes côtes d’Hennebont quitte l’armée en 1780 et devient avocat.  En 1785, il épouse sa cousine Louise Sébastienne le Goaësbe de Réron dont il eut plusieurs enfants.

Il est maire de Ploërmel en 1784 et 1788 et est élu deuxième député suppléant de la sénéchaussée de Ploërmel, mais ne siège pas.  Devenu juge à Ploërmel, puis Vannes, il y meurt en 1814. Il est acquéreur de biens nationaux dont la métairie de Saint-Malo pour 20700 livres, provenant des Ursulines et le droit de pêche du prieuré de Taupont dans le grand Etang-au-duc pour 300 livres.

 

Jean Marie Robert de la Mennais

Le nom de famille est Robert et c’est son grand-père qui rajoute à son patronyme, celui de « la Mennais », nom d’un petit domaine situé sur la paroisse de Trivagou, à coté de Dinan. Son père, Pierre Louis Robert quitte Saint-Servan pour s’installer à Saint-Malo où il fonde une importante maison de commerce et se dévoue au bien public à tel point que les États de Bretagne sollicitent pour lui des lettres de noblesse que Louis XVI accorde en mai 1788.

Il naît le 8 septembre1780 dans l’hôtel particulier de sa famille, rue Saint-Vincent à Saint-Malo. Son frère Félicité y naît également le 27 juin 1782. Élevés dans un milieu particulièrement pieux, les deux frères sont naturellement appelés à la vie religieuse et Jean Marie est ordonné prêtre à vingt-trois ans. Il fut professeur de collège, secrétaire de l’évêché de Saint-Brieuc, vicaire capitulaire et administrateur de fait de ce diocèse pendant dix ans en raison de la carence de son titulaire. Publiciste, missionnaire, vicaire général de la Grande-Aumonerie à Paris, il est surtout connu en qualité de fondateur et supérieur général de la Congrégation des Frères de l’Instruction Chrétienne.

 

Il achète Boyac en 1826 pour en faire sa résidence d’été et la maison de campagne de l’institut des frères de Ploërmel qu’il a créé en 1824 dans l’ancien couvent des Carmélites. Il y conduisait ses novices le jeudi et autres jours de congé pour qu’ils puissent se détendre et participer aux nombreux travaux du domaine. Il songeait à y créer une école d’agriculture. Il avait installé une chapelle dans l’une des pièces et y avait fait transporter les reliques de Saint Félicissime.

Il meurt en 1860, laissant huit-cents religieux soumis à sa règle.

 

Après sa mort, les nouveaux supérieurs des Frères considèrent que les occupants de Boyac passent trop de temps aux activités agricoles du domaine au détriment de leurs fonctions d’étude et d’enseignement et souhaitent les faire revenir en ville où ils seront mieux surveillés et contrôlés. La décision de vendre Boyac est donc prise.

 

La Boëssière

Gaétan Marc Antoine Marie Ghislain de la Boëssière-Thiennes, marquis de la Boëssière, chatelain de Malleville et de Lézonnet rachète Boyac en 1898. Sa famille est, depuis plusieurs générations propriétaire de divers biens aux environs, mais il est né le 23 janvier 1843 à Bruxelles et y a épousé en 1869 Louise Marie Joséphine Henriette, comtesse de Lannoy. Il décède le 4 septembre 1931 à Lombise en Belgique, ville dont il fut longtemps le bourgmestre.

 

Après eux, Boyac devint la propriété de la famille de La Bourdonnaye, puis de Lambilly. En 1987, le domaine, inoccupé depuis dix-sept ans, est acheté par Jean-Pierre et Monique Henneton qui y vivent depuis tout en le restaurant. À l’intérieur, les enduits dégradés ont été enlevés pour mettre la pierre à nu, une chaudière a « été installée avec au rez-de-chaussée chauffage par le sol, des fenêtres neuves ont été posées, des remaniements de toitures faits régulièrement. Dans la cuisine les dalles du sol ont été remises à niveau avec remplacement des plus abîmées. Au-dessus de la porte d’entrée du logis, refait à neuf en granit, l’écusson des Le Goaësbe montre ses trois épées en pal surmontées d ‘un croissant. Pour réaliser tous ces travaux, Jean-Pierre Henneton a créé en 2004 l’entreprise « Les Maçons du Patrimoine » qui, forte de son expérience a aussi travaillé sur divers manoirs et châteaux de la région proche, y compris sur les remparts de Ploërmel, essentiellement pour des travaux de maçonnerie, mais aussi parfois pour la pose ou dépose de poutres, solives et planchers.

Parmi les gros travaux réalisés depuis, une partie de la façade sud-ouest a été entièrement démontée, y compris fenêtres et lucarne. Et l’ensemble remonté à l’identique, c’est-à-dire à la terre, comme c’était l’usage à l’époque, ni ciment, ni chaux. Les deux poutres endommagées, cause principale des désordres de la façade, ont été restaurées.

 

 Tout comme l’angle de la tour ouest qui présentait de grosses fissures et menaçait de s’ébouler. Cet angle a été démonté sur une hauteur de 9,30 mètres et les pierres qui étaient complètement explosées ont été remplacées aux mêmes emplacements et dimensions.

Le prochain défi consistera à la restauration de l’ensemble des toitures, soit environ 1350 m2, si possible avec des ardoises posées à pureau décroissant, selon la tradition en bretagne.

Enfin, dans un coin de la cour, déjà livrés, les 90 m2 de dallage en granit de la grande salle du rez-de-chaussée attendent d’être posés.  Les subventions apportées par la DRAC à hauteur de 20%, 15% par le Conseil Général et 15% le Conseil Régional, onr été on l’imagine aisément, une aide précieuse pour des travaux de cette ampleur !

 

Parmi les particularités de Boyac, ce qui frappe est son aspect massif et défensif. Deux bâtiments orientés est-ouest se faisant face autour d’une cour carrée fermée de hauts murs avec tour carrée à chaque angle, au nord le logis d’habitation et au sud les communs. La plupart des ouvertures des deux bâtiments ouvrent sur cette cour tandis que trente-six bouches à feu disposées un peu assuraient la défense de l’ensemble. L’ensemble aurait ses origines au XVème siècle avec une construction en gros moellons locaux de schiste ferrugineux et aurait été remanié au XVIIème (agrandissement des ouvertures, création de lucarnes ouvragées et porte d’accès, en granit cette fois). Les deux tours carrées des communs abritent chacune un pigeonnier circulaire avec un total d’environ 800 boulins dont une partie a été rebouchée. Toutefois un document de 1676 fait état de deux mille boulins, soit une propriété d’environ 1000 hectares à l’époque ; pour arriver à ce total, soit il existait un troisième pigeonnier sur la propriété, soit les tours étaient plus hautes et auraient été réduites depuis. Autre détail, les deux façades avant et arrière du corps de logis principal présentent deux coups de sabre sur toute la hauteur, comme si, et c’est probablement le cas, de part et d’autre du bâtiment central on avait ultérieurement rajouté une aile à chaque bout ainsi que les deux tours nord.

Boyac a fait l’objet d’une inscription au titre des monuments historiques le 1er juillet 2011. Les extérieurs de la propriété sont accessibles gratuitement au public toute l’année et le rez-de-chaussée est visitable sur rendez-vous.

manoirdeboyac.fr

Contact :06 16 42 19 94 / boyac56@free.fr

 

 

 

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